Assassin’s Creed Shadows, le meilleur de la série ?
L’histoire nous place durant l’époque du Japon féodal, à l’époque de la fin de la réunification forcée instaurée par Oda Nobunaga. On y suit le destin croisés de deux personnages. La première, Naoe, est une shinobi, un ninja de l’ombre de la Province d’Iga, l’une des régions touchée par les affrontements liés aux conquêtes d’Oda Nobunaga. Suite aux événements, elle va être animée par une quête de vengeance qui sera la toile de fond de l’ensemble de l’aventure. De l’autre côté, on retrouve Yazuke, le samourai noir qui a fait tant de bruit sur la toile depuis qu’il a été dévoilé. Inspiré d’un personnage ayant réellement existé, il est un esclave noir arrivé dans les valises des Portugais. D’abord simple esclave, il a ensuite été “libéré” par Oda Nobunaga, qui a décelé quelque chose en lui et en a fait l’un de ses samouraïs les plus dévoués. Les deux personnages se situent donc de part et d’autres de l’Histoire, jusqu’à ce que leurs destins se croisent.
Les 12 salopards
On l’a dit, Naoe est animée par une soif de vengeance, dirigée contre un groupe de 12 samouraïs masqués, appelé le Shinbakufu. L’introduction de ces personnages ultra charismatique se fait dans l’une des cut-scenes de début d’aventure, et se pose comme l’une des meilleures séquences du titre. La mise en scène digne d’un excellent film de Quentin Tarantino pose les bases d’une aventure que j’ai réellement adoré. De manière générale, j’ai trouvé que l’écriture de cet Assassin’s Creed Shadows était réellement bonne, bien meilleure que tout ce qu”a fait la saga jusqu’à maintenant. Si on reste sur une intrigue assez simple, la double narration, la construction des personnages (notamment par le biais de flashbacks très bien fichus qui viennent rythmer l’aventure) ou les missions de la quête principale sont très bonnes et contribuent à faire de Shadows le meilleur Assassin’s Creed à ce jour.
Au-delà d’une quête principale vraiment bien construite, Assassin’s Creed Shadows brille aussi par ses missions secondaires, beaucoup plus soignées que d’habitude. Fini les quêtes FedEx ultra génériques, ici on a droit à des petites histoires locales bien écrites, parfois touchantes, parfois drôles, parfois franchement sombres. Certaines vont même jusqu’à te faire remettre en question tes choix, ou t’impliquer émotionnellement avec les personnages. Le tout est souvent lié à la guerre civile, aux luttes de pouvoir locales ou à la misère du peuple, ce qui donne un vrai contexte à l’univers.
L’intérêt est d’autant plus fort que beaucoup de ces missions secondaires sont pensées pour tirer parti du double gameplay. Par exemple, certaines missions sont pensées spécifiquement pour l’infiltration (Naoe est indispensable), tandis que d’autres demanderont une démonstration de force où Yasuke est clairement l’homme de la situation. Et bien souvent, tu peux aussi choisir ton approche, ce qui renforce le sentiment de liberté et d’immersion. Une mission d’infiltration qui tourne mal ? Pas grave, tu peux appeler Yasuke à la rescousse pour venir mettre tout le monde d’accord à coups de kanabo.
La quête principale, à elle seule, occupe une quarantaine d’heures. Et attention, on parle de 40 heures bien remplies, sans longueur inutile ou remplissage artificiel. Si on vise le 100 %, entre les missions secondaires, les quêtes annexes scénarisées, les collectibles, les contrats d’assassinat, les zones à libérer et tout le système de repaire (qu’on va voir juste après), on peut facilement doubler la mise. Pour ceux qui aiment explorer chaque recoin, optimiser leur stuff ou simplement se balader dans ce Japon féodal somptueux, y a de quoi faire pendant un bon moment.
Shinobi vs Samouraï : le yin et la yang côté gameplay
Double narration veut aussi dire double gameplay. Ubisoft a réellement pris le pari risqué de proposer quelque chose de vraiment nouveau ici. D’un côté, on a Naoe, shinobi dans le plus pur style de ce qu’est Assassin’s Creed initialement : discrétion, infiltration, assassinats silencieux, sauts de la foi et lame secrète en pagaille. On prend toujours un plaisir incroyable à s’essayer au parkour du jeu, et encore plus avec des mouvements fluidifiés par rapport aux précédents opus; notamment par l’ajout de touches permettant d’orienter la course libre : A (ou Croix sur Playstation) pour aller vers le haut, escalader, et B (ou Rond sur Playstation) pour aller vers le bas et désescalader. Un peu dur à prendre au main au début, ça vient vraiment fluidifier les déplacements une fois que c’est maitrisé. La typologie des lieux, et notamment les pagodes que l’on doit escalader, ont obligé les développeurs à ajouter un grappin qui vient lui aussi ajouter quelque chose de plaisant.
De l’autre côté, on a donc Yasuke, un samourai extrêmement puissant, véritable tank, dont le style de jeu sera complètement aux antipodes de celui de Naoe. Ici, pas ou peu d’escalade, d’infiltration etc., et place au combat en face à face bien violent. Ici, on parle de décimer la population d’un château en passant par la porte d’entrée, un peu plus dans le style de ce qu’aurait pu faire Eivor dans Assassin’s Creed Valhalla (et les fameux assauts de villages où on arrive en courant, hurlant et soufflant dans une corne de brume, sah quel plaisir). Yazuke est un gros sac à PV, aux rations beaucoup plus nombreuses que du côté de Naoe, et qui envoie des dégâts considérables.
Concrètement, ce double gameplay présente vraiment beaucoup d’avantages. Déjà, il permet d’éviter une certaine lassitude. Dans un jeu à monde ouvert où les quêtes pourraient tendre souvent à se ressembler un peu (beaucoup ?), switcher entre les deux personnages permet d’ajouter un vent de fraicheur bienvenue qui, pour moi, est venu complètement gommer toute répétitivité. Si Yasuke a parfois des allures de mode Facile tant il est puissant, il représente toutefois un défi intéressant et différent.
Le gameplay de chaque perso est par ailleurs également hyper diversifié du fait de la présence de plusieurs armes pour chacun. Naoe dispose de la lame secrète, d’un katana, de tantos (deux petites lames), d’un kusarigama (une chaîne à laquelle sont attachés d’un côté un poids, de l’autre une faucille). En plus de cela, elle dispose des accessoires typiques des ninjas, à savoir des kunais ou des bombes fumigènes. Yasuke, lui, peut choisir parmi : katana, naginata (une sorte de grande hallebarde), d’un kanabo (une grosse masse japonaise) pour ce qui est des armes de corps à corps, mais aussi d’un arc et d’un teppo (une arquebuse japonaise) pour le combat à distance. Sachant que chaque catégorie d’arme dispose de son propre arbre permettant de les améliorer ou de débloquer de nouvelles compétences.
Côté IA, Ubisoft a fait un effort notable. Les ennemis sont plus réactifs qu’avant, ils patrouillent de façon crédible, se parlent entre eux, se mettent en alerte quand l’un des leurs disparaît, et n’hésitent pas à venir fouiller la zone. Dans certaines missions, ils vont même jusqu’à se coordonner pour encercler des zones. C’est clairement un pas en avant par rapport à l’époque où tu pouvais zigouiller un mec pendant que son pote regardait ailleurs sans broncher.
Mais on reste quand même dans un jeu Ubisoft : l’IA est volontairement “raisonnable” pour ne pas trop punir le joueur. Les gardes abandonnent assez rapidement leurs recherches si tu te caches bien, et surtout, l’escalade reste un joker un peu trop cheaté : la majorité des ennemis ne savent pas grimper. Résultat, il suffit souvent de monter sur un toit pour redevenir invisible. C’est un peu abusé, mais aussi un bon moyen de se la jouer assassin pur jus, en disparaissant dans l’ombre comme par magie. On sent que le jeu cherche un équilibre entre réalisme et fun… et ça fonctionne
Viens dîner à la maison
Assassin’s Creed Shadows introduit un système de repaire bien plus poussé que dans les précédents opus. Il ne s’agit pas simplement d’un QG décoratif, mais d’un véritable quartier général évolutif, que tu vas développer tout au long de l’aventure. Tu pourras y construire et améliorer différents bâtiments : une forge pour améliorer ton équipement, un dojo pour entraîner tes alliés, une maison des espions pour débloquer plus d’éclaireurs sur la carte, ou encore une infirmerie pour accélérer la récupération entre deux missions.
Mais ce n’est pas tout : une dimension cosmétique est également présente, et franchement, c’est un petit kiff. Tu peux aménager ton jardin zen, poser des rochers décoratifs, des lanternes, des bambous… et même adopter des animaux. Des chiens, des chats, des vaches, des biches. Oui, des biches. Et oui, tu peux leur faire des câlins. Pour les amoureux des animaux (coucou, moi), c’est un bonheur.
Ce repaire n’est pas obligatoire pour terminer le jeu, mais il apporte de vrais bonus, notamment pour ceux qui veulent optimiser leur équipement ou profiter de la narration “à la cool” avec les persos qui y vivent.
Côté loot, c’est assez équilibré. Le jeu n’inonde pas de butin inutile, et chaque nouvelle pièce d’équipement a une vraie valeur. Les armes et armures sont rares, mais significatives : on ressent une vraie montée en puissance à mesure que l’on progresse. Le craft est aussi bien géré : pas trop complexe, pas trop simpliste. On loote, on améliore, on personnalise un peu… et basta. Pas de gestion d’inventaire reloue à la The Witcher 3 ou de mille items à vendre. Bref, c’est fluide, plaisant, et surtout, ça ne casse jamais le rythme.
Un Japon vivant, crédible, somptueux
Techniquement, Assassin’s Creed Shadows met une claque. Vraiment. Visuellement, le jeu est sublime. Que ce soit dans les villes grouillantes de vie, les campagnes paisibles, les forêts de bambous ou les temples perchés, on en prend plein les yeux. La direction artistique est inspirée, avec une belle variété d’environnements et un sens du détail bluffant.
Mais le vrai coup de cœur, c’est le cycle des saisons et tout ce qu’il implique. Le monde évolue en permanence : en hiver, les rivières gèlent, les PNJ restent chez eux, certains chemins sont impraticables ; au printemps, les cerisiers fleurissent, les enfants jouent dehors, les marchés débordent de monde. Le cycle jour/nuit et la météo dynamique (pluie battante, tempêtes de neige, brouillard matinal) ajoutent encore plus de réalisme.
Et pour ne rien gâcher, le jeu tourne comme une horloge. Les reports successifs ont clairement servi à quelque chose : aucun bug noté de mon côté, aucun souci d’optimisation, même sur console. Après des années à subir les glitchs de Unity ou les textures qui poppent dans Valhalla, ça fait vraiment plaisir de voir Ubisoft sortir un jeu fini, propre et stable.
Une fois n’est pas coutume, on peut également féliciter les développeurs pour le très bon travail de finition. Les semaines supplémentaires octroyées grâce aux différents reports ont permis de peaufiner le titre, et je n’ai noté absolument aucun bug et une finition irréprochable. Quand on se rappelle des innombrables bugs qui ont garni les précédents épisodes et les compilations Youtube, on ne peut que se réjouir de cela.
Un mot aussi sur le design sonore, qui est franchement à saluer. La bande-son mélange habilement les instruments traditionnels japonais (shamisen, shakuhachi, taikos…) avec une orchestration plus moderne, pour accompagner aussi bien les moments d’introspection que les bastons épiques à la Yasuke. Le tout est très bien intégré à l’expérience : la musique sait se faire discrète quand il faut, et monte en puissance pile au bon moment. Le sound design est aussi d’une précision chirurgicale. Le bruit de la neige qu’on foule, les gouttes de pluie qui ruissellent sur un toit, les cliquetis des armes, les bruissements dans les bambous… tout participe à une immersion aux petits oignons. C’est un régal pour les oreilles.
En conclusion
Assassin’s Creed Shadows, c’est tout simplement le meilleur épisode de la série à ce jour. Une histoire bien écrite portée par deux personnages ultra charismatiques, un double gameplay parfaitement maîtrisé qui évite toute lassitude, un monde ouvert riche et vivant, des missions secondaires intéressantes, une réalisation aux petits oignons, une bande-son envoûtante, et une IA suffisamment intelligente pour être crédible… sans jamais être punitive.
Ajoutez à ça un repaire personnalisable, un loot bien dosé, une exploration gratifiante et une technique enfin maîtrisée de bout en bout, et vous obtenez un épisode qui coche (presque) toutes les cases. Que vous soyez un fan de la première heure ou un joueur qui avait lâché la saga en cours de route, Shadows mérite clairement votre attention. Bref : il est temps de dégainer le katana et de partir en mission.